Longtemps, j’ai rencontré des candidats qui rechignaient à rédiger leur lettre de motivation. Car la genèse de cette lettre leur apparaissait souvent comme un passage obligé impitoyable, un exercice contraignant et scolaire.
En chaussant des lunettes irisées et apaisantes, il est toutefois possible de considérer la rédaction de cette missive comme une invitation à peindre en mille couleurs votre parcours unique. Et, dans la magie de cette optique, vous devenez alors l’illustre interprète de votre nature luxuriante.
Au-delà de la forme austère, qui se traduit conventionnellement par une simple page en noir et blanc, il est en effet envisageable de livrer quelque chose de vous au recruteur et de poser les bases personnelles d’une future collaboration fructueuse.
Si vous l’acceptez, je vous convie donc à un travelling verbal à travers chaque étape de votre lettre de motivation. L’idée est de vous proposer de visualiser paisiblement chaque partie de votre missive. Du paragraphe d’introduction à la fin de la lettre, vous devenez l’écrivain pragmatique de ce voyage insolite et fabuleux. Et, l’air de ne pas y toucher, vous ferez toute la différence : vous parviendrez à provoquer une rencontre avec votre cible.
Vous soignez l’ouverture du bal – l’introduction décisive
L’entrée en matière est parfois complexe. Derrière le rideau de la page blanche, vous trépignez de trac. A la phobie des banalités s’ajoute votre peur d’en faire trop ou pas assez. Vous redoutez par-dessus tout la première impression et l’instant qui dure. Se retrouver seul sur la piste de danse au milieu des regards n’est pas forcément votre tasse de thé. Si jamais vous n’êtes pas inspiré, il est sage de vous concentrer sur une approche simple et fonctionnelle en vous appuyant sur les faits.
Faire part de votre situation actuelle est un bon début pour votre lettre. Indépendamment de toutes fioritures, le recruteur a besoin de savoir quand vous serez disponible, ce que vous cherchez et de connaître votre mobilité géographique. C’est aussi le moment d’insister sur le nombre de langues que vous maîtrisez, ou encore sur votre double profil et sur votre excellence académique. Cette approche factuelle et basique vous garantit déjà une certaine crédibilité professionnelle.
Dans un monde idéal, c’est également le temps de l’accroche. Vous êtes l’espoir de la saison. Vous distillez un peu de rêve. En d’autres mots, vous montrez ce qui est inspirant dans votre parcours et ce qui vous rendra mémorable, par petites touches impressionnistes. L’idée est de suggérer, de donner envie à votre interlocuteur de continuer à lire votre missive, et aucune autre. A ce moment précis, vous êtes seul sur la piste à ses yeux, qui font alors instinctivement abstraction des autres fichiers alentour.
Vous atteignez l’objet de votre désir – les raisons de votre choix
Très vite, vous vous efforcerez ensuite de créer du lien et d’expliquer au recruteur pourquoi vous le sollicitez, lui, dans toute sa singularité. Il est essentiel que votre interlocuteur se sente unique et valorisé. Le regard que vous portez sur autrui façonne en définitive celui qui sera posé sur vous.
Il est donc primordial de prendre le temps de faire des recherches en amont de vos échanges. A l’extérieur bien sûr : sur les sites web, dans la presse, à travers des salariés, en assistant à des conférences et en apprenant à découvrir l’organisation pour laquelle vous postulez. Les sources d’information sont légion et votre capacité de synthèse vous permettra de ne garder que l’essentiel, la substantifique moelle différenciante.
A l’intérieur de vous aussi, vous chercherez de la matière liée à votre interlocuteur. Pour sortir du lot, il vous incombe de personnaliser votre propos. La raison pour laquelle vous voulez rejoindre une entreprise vous est propre. La bonne nouvelle, c’est qu’elle vous appartient. C’est cette dimension prodigieusement spécifique qui rendra votre lettre à la fois belle et efficace. En somme, votre interprétation de cette organisation et votre perception feront en sorte que votre interlocuteur poursuivra sa lecture plus avant.
Vous exhibez les cordes de votre arc – la valeur ajoutée
A ce stade crucial de votre lettre, le suspense est à son comble. Le recruteur a maintenant très envie d’en apprendre davantage sur vous et sur les compétences de votre profil. Le plus important dans cette étape est de rester sélectif. Il serait en effet très inopportun de raconter par le menu toutes vos expériences professionnelles. En aucun cas, il ne s’agit de paraphraser avec rigidité votre curriculum vitae.
Bien au contraire, vous choisirez habilement une ou deux anecdotes marquantes qui mettent en valeur votre savoir-faire ainsi que votre personnalité. Les descriptifs purement factuels dignes d’une offre d’emploi sont à bannir. Reprenez les mots-clés et le vocabulaire de l’entreprise que vous ciblez. Et soyez également vous-même.
C’est la partie où vous pouvez faire étalage de vos réussites et de votre créativité. Il s’agit de vous montrer sous votre meilleur jour, en regard des attentes exprimées par le recruteur pour le poste visé. Pour cela, lisez au préalable très attentivement le descriptif du poste. En le passant au peigne fin, vous comprendrez ce que vous pourrez mettre en exergue dans votre propre parcours pour illustrer votre candidature. Grâce à cela, votre interlocuteur se projettera facilement dans des interactions fertiles à vos côtés.
Vous donnez vie à la fine équipe – le tandem gagnant
A la fin de votre missive, la relation est déjà nouée de fil d’or. Il est grand temps pour vous de présenter les avantages d’une future collaboration. Dans ce paragraphe, vous vous efforcerez de faire le lien en permanence entre l’entreprise et vous.
L’idée est de donner à voir tout ce que vous pourriez accomplir ensemble. Il s’agit d’un panorama des réalisations futures. Vous pouvez montrer la convergence entre votre ambition personnelle et les projets de l’organisation. A minima, il est important de faire ressortir l’adéquation entre vos valeurs et celles de l’entreprise visée. Les mots coulent de source et le champ lexical du secteur est maîtrisé.
Si vous devez être réaliste et coller à l’offre d’emploi dans un premier temps, vous pouvez vous autoriser également à sortir très légèrement du cadre en dévoilant aussi tout ce que vous pourriez changer positivement dans l’organisation-cible. Si vous vous en sentez le courage et l’ardeur, pensez à exprimer ce que vous pourriez apporter à la dynamique d’équipe. Grâce à cela, vous pourriez transmettre l’envie folle au recruteur de poursuivre les échanges avec vous.
Vous invitez fermement l’autre au voyage – l’appel à l’action
C’est donc assez naturellement que vous conclurez votre missive en demandant sans ambages un entretien. Cette partie est loin d’être une formalité, c’est plutôt l’aboutissement de votre parade de compétences. Le recruteur se sent désormais en condition pour accéder à votre demande. Il sait maintenant parfaitement pourquoi il devrait vous rencontrer prestement car vous l’avez convaincu de la pertinence aiguisée de votre démarche et de votre candidature.
Pour faire de cette longue tirade une histoire courte
Avec l’élégance d’un chat botté et costumé, il ne tient qu’à vous de rentrer vos griffes et de devenir le meilleur allié épistolaire du recruteur. Progressivement, vous en arriverez même à vous délecter de cet exercice millimétré. La maîtrise des paragraphes viendra avec la pratique. Les transitions militaires se feront plus fluides et les arguments plus incisifs. Vous oublierez avec bonheur l’art mécanique du copié-collé.
Ce qui primera bientôt, derrière cette façade ascétique en noir et blanc, ce sera cette relation luxueuse et particulière que vous saurez initier avec l’autre, et en définitive, avec vous-même, ce moi professionnel qui s’exprimera avec toutes les nuances de la palette de vos talents.
Comments