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Partout où aller

Sur la route. Rien derrière. Tout devant. Incrédule, tu me regardes : tu as 20 ans en 2020. La beat generation se loge à mille lieues de ton quotidien réglementé.


Photo by veer66 on Foter.com / CC BY


Physiquement, c’est vrai. Tu sens de l’oppression au niveau du plexus solaire. Tu restes chez toi la plupart du temps. À bien y réfléchir, tes libertés ne sont pas celles qu’on t’a racontées. Les tours en scooter. Les soirées à dessiner le monde, et le bruit du baby-foot.

Ces scènes te semblent irréelles, comme emballées sous cellophane. Peut-on congeler sa fureur de vivre ? Revient-on en arrière, comme après un mauvais rêve ? Comment rattraper ces vacances que tu as annulées ? Ces rencontres que tu n’as jamais faites ?

Garder la fougue

Le vide te gagne, abyssal. Il te reste les livres, les écrits, les talismans. Et aussi, cette soif insolente de ressentir intensément. Nuits blanches sur fond de couvre-feu halluciné.

Le cœur miel citron, tu chausses tes lunettes noires. Tu ne veux pas comprendre un peu. Ta jeunesse fait que tu veux tout, tout de suite. L’absolu désarmant est ta mesure. Cela fait peur à tes proches parfois.


Et pourtant, ta nature est une eau vive et c’est ta force. De guerre lasse, ne coupe pas la poire en deux ! Derrière les fenêtres closes et la pesanteur ouatée des heures sombres de l’automne, tu conserves cette ardeur vitale qui te définit si bien.

À 20 ans, tu es en marche vers ta réussite.

Nourrir une saine ambition

Le succès est quelque chose qui est devenu différent. Tu ne voyages pas en première. Tu ne rêves pas d’une montre pour tes 50 ans. Ton vélo d’occasion fait des merveilles. Tu te passionnes pour la raison d’être. Derrière le papier glacé et les sites vitrines des employeurs, tu veux voir l’authenticité des relations.


À 20 ans, tu ambitionnes finalement de devenir toi-même. Tu as le verbe haut : on te l’a dit. Ta quête est légitime. D’autres se sont fourvoyés en chemin. Ces derniers mois, toi, tu as pris ton temps pour t’explorer sous tous les angles.


A défaut de pouvoir faire le tour du monde, tu tournes sur toi-même avec ton sac à dos. Pas en rond, mais en spirale. Tu avances en portant ton bagage. Ton grand corps anesthésié fait des pas de géant. Oui, tu vas le décrocher, ce stage rémunéré. Ce Graal prosaïque de l’époque. En télétravail. En t’intégrant à coup de visioconférences. Non, tu ne pars pas courir avec tes collègues. Tu ne rejoins pas les autres à la cantine.


Tu as 20 ans. Tu réinventes les règles du jeu professionnel. Tu l’auras, ce CDI dans le développement durable. Et ceux qui n’y croient pas sont priés de t’encourager.


Tu traces ta route sans Kerouac.


L’avenir du travail se fait avec toi et par toi. Tu prends ta place, pleine et entière dans l’époque.


Homme sans qualités, ou rouage rutilant d’une nouvelle donne : c’est toi qui choisis.


Après tout, tu es là. Tu comptes. Et tes enfants, après toi.

Reconnaître les signes

A travers des coupes de vie grises et poussiéreuses, tu perçois une lumière fixe. Les choses et les carrières te paraissent souvent jouées d’avance. Pourtant, tu tentes ta chance du débutant. Mettre ta pièce rouillée dans la machine.


Tu décroches un entretien, puis tu passes le casting comme il vient. Contrairement à tes aînés, tu ne connais plus vraiment le combo métro-boulot-dodo. La vie de bureau d’anthologie fait place à des réalités contrastées. Plus de souplesse et davantage d’autonomie. Moins de repères. C’est grisant.


À 20 ans, tu écris la page 1 de ta vie professionnelle. Cette histoire naissante a le goût des fruits frais. Encore un peu fermes en bouche. Au passage, tu te délectes des sentiers qui s’étirent dans le lointain royaume des organisations.

Au fond, tu aimerais vivre dans l’instant. Et aussi avoir de l’impact. Jouer en première ligne. Tu es comme un enfant, tu as 20 ans.


Tu penses à Dean Moriarty.


Seul devant ton café-crème, tu regardes devant toi.

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