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Prendre son billet retour

Derrière les persiennes à demi refermées, je la regarde évoluer lentement. Rester chez soi est une épreuve inhabituelle pour elle. C’est aussi une manière de mettre à jour des besoins et des ressources à explorer. L’avantage d’atteindre le point de bascule est de pouvoir piocher à la source. Elle se demande si elle a du jeu, et aussi si elle jouera la bonne carte. Taciturne, elle remonte à l’origine de son existence. Et, l’air de ne pas y toucher, elle se laisse le temps de vivre : elle revient strictement à cette discipline.



Accueillir les encouragements

Tout part de là. Elle se dit qu’elle a de la chance de recevoir des messages spontanés de soutien. C’est quelque chose qui l’a surprise et enthousiasmée ces derniers jours. Elle les a ouverts et savourés comme autant de cadeaux inespérés. Ils sont extraordinaires. Elle dirait même qu’ils la transcendent. A l’heure où chacun a peur pour lui-même ou pour ses proches, elle prend la mesure de la générosité de celles et ceux qui sont encore capables d’aller vers l’altruisme. Elle réalise que c’est un privilège d’avoir un entourage enveloppant.

Détricoter sa vie

C’est l’expression qui lui vient. Défaire les mailles. Reconstituer la pelote. Et dans ce nouveau chaos, réinvestir son intérieur. L’habiter intensément et y mettre de l’ordre. Se redécorer en somme. Nous ne devrions pas nous excuser d’être enfouis en nous-mêmes. Elle compte les minutes du fond de l’alcôve. Tranquillement, elle renoue avec la mélancolie en se confinant dans sa coquille de chair. Elle se dit qu’il est doux de se tourner vers soi quand l’environnement est une énigme sans fond.

Visiter ses sens

Chaque jour, il lui est possible d’écouter, écrire, chanter, danser. Elle renoue avec un corps-instrument. Enthousiaste, elle redécouvre le son de sa voix dans le silence. Emue, elle regarde son port de bras. Dans son théâtre intérieur, elle imagine de nouveaux personnages et elle se transporte en eux. Pour la première fois depuis longtemps, elle s’autorise à lire à voix haute les textes qu’elle rencontre. Les murs de son appartement deviennent caisse de résonance. Comme dans une salle de classe. Un plaisir déterré et intact.

Retourner vers l’enfance

En plein cœur d’une promenade imaginaire, elle se surprend à errer seule dans un jardin oublié. Elle aime parcourir en rêvant les détails d’un coin de verdure familier. Se souvenir du lilas. Et des framboises. Ou de la balançoire. Penser à des glaces à l’eau aux couleurs vives. Se nourrir de ces instants par petites touches. Le nez collé à des fenêtres intérieures et embuées. C’est à la fois gourmand et lointain. Un clin d’œil un peu flou. Elle visualise l’aquarelle délavée et paisible.

Accepter sa fortune

Elle sent que l’idée est de parvenir à cheminer vers l’apaisement. Dans cette vie, tout s’arrête. Rien ne se déroule comme prévu. Ou plutôt, il n’y a plus rien de prévu. De guerre lasse, elle s’en félicite : tant mieux ! C’est parfait ! Cette vacance lui donne du champ et des pages blanches à habiller. A l’encre de chine, elle dessine la suite de son périple. En amazone, elle chevauche sa peur et elle avance vers elle-même. Sans formalité aucune, elle prend son billet comme une carte que l’on tire. Bonne pioche !

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